Un réseau électrique arrivant à saturation
Nous constatons tous que les records de consommation d'énergie sont battus années après années. Les 104GW ont été dépassés en février 2012. Les prévisions de RTE confirment cette tendance, avec 108 GW prévus en 2020. Ces pics de consommation induisent l'utilisation de tous les moyens de production, polluants et coûteux, associés à une importation d'énergie chez nos voisins.
On pourrait penser que le déploiement de millions de véhicules ne pourrait qu'aggraver la situation. C'est en effet ce qui se produirait si l'utilisation du réseau resterait identique à aujourd'hui...
Gestion pilotée avec un réseau intelligent (SMARTGRID)
Néanmoins, les acteurs du monde de l'énergie travaillent à mettre au point un réseau intelligent, rendu indispensable par le vieillissement des installations et l'avènement des énergies renouvelables.
La Chine et les Etats-Unis, qui ont pris conscience de ces enjeux, vont investir respectivement 7.3 Milliards et 7.1 Milliards de dollars en 2010 dans les SMARTGRIDS. En Europe, l'Espagne, qui posséde un parc éolien très important, investira 807 Millions de dollars et la France 265 M$.
Le réseau intelligent aura pour objectif principal de piloter au mieux la consommation tout en intégrant les moyens de productions d'énergie renouvelables et décentralisés (photovoltaïque et petit éolien).
En particulier, il sera relativement aisé de piloter finement la charge du véhicule électrique, qui dure plusieurs heures. Ainsi, l'électricité utilisée pourra être bon marché et d'origine renouvelable.
Dans ce cas le Véhicule Electrique n'amplifiera pas les pics de consommation, et utilisera au mieux ces nouveaux modes de production d'énergie.
Un premier niveau de gestion consistant à différer et étaler la charge pendant la nuit ou à certaines heures de la journée permet de mettre en évidence une optimisation de la consommation d'énergie.
Le Véhicule Electrique : un stockage d'énergie à exploiter (Véhicule To GRID - V2GRID)
Une voiture parcourt 35 km par jour en moyenne. Or, les premiers véhicules électriques ont une autonomie de 160km. Le véhicule électrique n'utilise donc pas l'énergie qui lui permettrait de parcourir la différence : 125 km.
Partant de ce constat, il n'est pas déraisonnable d'utiliser cette énergie, chargée la nuit dans les meilleures conditions écologiques et économiques et de la renvoyer sur le réseau en journée. Cet usage est tout à fait compatible avec les pratiques de stationnement et de recharge (étude EDF 12/2010). C'est le principe de base du Véhicule To Grid (V2GRID), expérimenté actuellement par GOOGLE sur des Toyota Prius rechargeables. Moyennant certaines contraintes, compensées par de fortes incitations financières,
3 millions de véhicules électriques permettraient de diminuer le pic de novembre 2010 de 7 GW(*).
Ce chiffre qui correspond à 10% du parc automobile français, sera atteint au mieux en 2025.
7 GW en moins correspondent aux centrales au Fioul et au Charbon, qui relâchent du CO2 au rythme de 5000 à 10000 tonnes par heure (source RTE). Une stratégie V2GRID permettrait donc d'éviter l'émission de 150 à 200 000 tonnes de CO2 lors des journées de pointes.
Ce schéma est gagnant pour tous :
- Le producteur d'énergie optimise ses installations de production, y compris intermittentes (éolien et solaire).
- L'opérateur d'énergie achète l'énergie au meilleur prix la nuit et la revend au prix fort en journée.
- le consommateur-citoyen achète de l'électricité à un prix compétitif en contrepartie d'une contrainte de branchement de son véhicule après et avant le travail en journée. Il a la satisfaction d'utiliser un véhicule réellement écologique.
Le projet BETTER PLACE consistant à échanger les batteries dans des stations service repose aussi sur l'injection d'énergie sur le réseau pour son Business Model.
Conclusion
Loin de l'idée (très) répandue consistant à penser que le véhicule électrique est polluant car aggravant les pics de consommation, il permettra au contraire de les effacer et de lisser la production d'énergie électrique. De plus, il permettra d'intégrer au mieux les énergies renouvelables dans le réseau, dans des conditions optimales.
Le modèle économique étant pertinent et viable, il aura des chances de se réaliser.
Auteur
Docteur-Ingénieur INPG
Professeur Agrégé de Génie Electrique